Ce que je vois chez mes voisins
Aujourd'hui on parle de vis-à-vis, de pigeons et d'humains qui roucoulent et des brouillons qu'il ne faut jamais corriger.
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👋 Je suis Sophie Gliocas, une millenial de 30 ans, qui est née et qui vit (avec son chat et son amoureux) à Paris. Le jour, je travaille dans la communication social media et la nuit, j’écris des livres que vous retrouvez ensuite en librairies.
✉️ « Gang de Plumes » est une newsletter aux sujets pluriels : j’y parle de mon quotidien d’autrice (mon actualité, ma vision de ce métier, mon rapport à l’écriture), je partage des sujets plus intimes (notamment liés à ma santé mentale et plus généralement, à mon quotidien) et je vous livre aussi mes recommandations (pop)culture et parfois lifestyle.
Dans cette lettre je vous raconte :
🪟 Vie de plume : Le salon d’en face est toujours plus intéressant que le mien
✍️ Derrière la plume : Ce qu’est (vraiment) un brouillon d’écriture
🪟 Le salon d’en face est toujours plus intéressant que le mien
Quand j’étais petite, j’adorais regarder par la fenêtre de ma chambre.
Je montais sur mon bureau et je poussais la poignée de la fenêtre vasistas qui se trouvait juste au-dessus. C’était une vieille fenêtre qui grinçait bruyamment au moment de s’ouvrir, ce qui me donnait toujours l’impression que toute la rue pouvait l’entendre. Ce bruit n’avait rien de discret et c’est pour ça que je l’aimais bien. C’était ma manière de dire au voisinage « attention, j’arrive ! ».
Ma mère me retrouvait souvent à genoux sur mon bureau avec les avant-bras repliés au bord de ma fenêtre. Le matin, j’aimais la fraîcheur des premières heures de la journée, sentir l’odeur humide des jardins alentours. Le soir, je me précipitais pour contempler le coucher de soleil qui éclaboussait ma chambre d’une lumière rougeâtre. Quand il pleuvait, c’était encore mieux : il me suffisait de passer une main sous le battant pour récupérer les gouttes de pluie glacées qui s’amoncelaient sur le rebord. J’observais les maisons voisines qui n’étaient plus que de grosses tâches floues sous l’averse. Personne ne se doutait que j’étais encore et toujours là, à observer.
Quand j’ai dû revenir vivre temporairement chez mes parents, un peu avant le confinement, j’ai repris ce rituel. Je ne l’arrêtais que lorsque j’entendais ma mère monter les escaliers, un peu comme si j’avais peur qu’elle me prenne en faute. Mes parents n’aimaient pas que je regarde chez les voisins. « Mais qu’est-ce que ça peut te faire ce qui se passe à côté ? » « Occupe-toi de tes affaires ! » « T’aimerais qu’on t’espionne comme tu le fais ? ».
La plupart du temps, j’haussais les épaules. Espionner, quel grand mot !
Je ne faisais que collecter des scènes de vie, des morceaux qui se déroulaient sous mes yeux et dont je ne pouvais pas comprendre grand-chose. Je laissais l’imagination faire le reste : mon esprit fabriquait une histoire de toute pièce à partir de ce que je venais d’apercevoir.
Rien de plus.
Enfin, non, pas tout à fait.
Il y avait aussi, de la curiosité. Je me demandais comment c’était, chez « les autres ». Est-ce qu’ils étaient comme « nous » ? Est-ce que leur manière de vivre était différente ? Cachaient-ils des secrets ? Que pouvais-je déceler du peu que j’arrivais à intercepter, à percevoir ? Derrière ma curiosité, il y avait un désir, quasi-irréalisable, de mieux les comprendre.
Parfois, je découvre que des copines font pareil. Elles adorent s’installer devant la fenêtre de leur salon et observer qui sont leurs voisins afin de capturer des détails, des informations, qu’ils ne partageraient pas durant un échange formel.
Nos attitudes devraient me mettre sur mes gardes. Puisque je regarde chez mes voisins, regardent-ils chez moi ? J’y pense souvent et cela ne m’empêche pas d’être peu pudique. Alors que je suis souvent plantée devant une de nos fenêtres, à contempler les immeubles d’en face, c’est mon amoureux qui a le réflexe de tirer les rideaux aux moments les plus opportuns là où je zappe quasi-systématiquement. Oups.
Pour être honnête, j’ai toujours trouvé qu’on ne se soucie pas assez de ce qui se passe chez nos voisins. Qu’on ne soit jamais tenté d’y jeter un œil, d’essayer d’y deviner ou même d’y découvrir quelque chose, n’importe quoi, m’étonne.
C’est le cas avec le vieux monsieur qui habite en face de chez moi. C’est un retraité qui vit seul, mais il n’est pas solitaire pour autant. Il n’est jamais chez lui à Noël, ce qui est une très bonne chose. L’été, je jette toujours un œil pour m’assurer que ses fenêtres sont fermées en journée et qu’il les a bien rouvertes avant de se coucher. J’ai déjà dit à mon amoureux que si cette fenêtre n’est pas ouverte un jour de canicule, il faudra s’inquiéter. Une fois, avant de partir en vacances, je lui ai rappelé de surveiller le vieux monsieur à ma place. « Si la fenêtre du salon n’est pas ouverte, alors c’est celle de sa chambre qui le sera. C’est toujours au moins l’une des deux. Tu vérifieras, hein ? »
Ce vieux monsieur est souvent à son bureau en train de peindre des petits soldats (« les ancêtres des Warhammer », comme dit mon amoureux d’un ton très sérieux) et de temps en temps il sort son très vieux projecteur qui lui permet de regarder des films en noir et blanc qui sont tout aussi vieux. Dans ces moments, il ouvre ses fenêtres en grand, il s’installe sur une vieille chaise d’écolier, bras croisés, avec sa chemise bien repassée, et les scènes défilent sur le mur de son salon qui lui sert d’écran. De temps en temps, il passe un coup de fil, accoudé à son balcon, il répète que son taxi arrive et qu’il sera bientôt là, comme prévu. Je ne sais pas où il va, mais quelques minutes plus tard, il descend sur le trottoir avec sa grosse machine sous le bras.
On a déjà discuté depuis nos balcons respectifs. Il m’a dit que mon chat est très beau (ce qui est tout à fait vrai), alors il ne peut pas être un mauvais bougre. Un jour, il m’a averti que des pigeons commençaient à faire un nid près de mon balcon. « Enlevez-vite les brindilles avant qu’ils pondent ! Après, ça fait un boucan d’enfer. » Je lui ai assuré qu’on allait s’en occuper. On ne l’a jamais fait. J’aime bien entendre les pigeons roucouler à ma fenêtre, même si ça me réveille.
Je l’aime bien, ce vieux monsieur.
J’imagine un morceau de sa vie grâce aux quelques meubles que j’aperçois depuis chez moi. Ses grosses armoires en teck vernis me font supposer qu’il a emménagé dans les années 60, que la vie ne s’est pas arrêtée depuis, mais que cette période l’enveloppe encore. Lui aussi aime regarder par la fenêtre. Il ne regarde jamais chez nous, il observe quelques mètres plus bas les gens qui marchent dans la rue. Est-ce qu’il leur imagine une vie ?
Au-dessus de chez lui, il y a plusieurs chambres de bonne. Chaque fenêtre correspond à un studio dont je ne vois quasiment rien, ils ont tous l’air d’être aménagés différemment. Si certains de ces logements ont toujours les fenêtres fermées et les rideaux tirés, d’autres sont tout l’inverse. J’imagine que deux écoles s’opposent : ceux qui investissent les lieux de leur petit cocon et ceux qui ne rentrent que pour dormir car le manque d’espace les déprime. J’imagine aussi qu’il y a ceux qui s’en fichent de voir l’extérieur, la lumière du jour, d’entendre les bruits de la rue et de sentir l’air frais s’engouffrer chez eux. Et puis il y a les autres, qui ont toujours besoin d’aérer sinon ils ont l’impression d’étouffer. Je me dis que je partage un point commun avec ces derniers.
Je pourrais imaginer la vie entière de cet immeuble grâce à toutes ces bribes de vie : il y a le retraité qui s’occupe avec passion de ses plantes en pots et qui a même installé un mangeoire pour les oiseaux, et puis le le sportif qui laisse tout le temps sécher ses baskets à la fenêtre, sans oublier la femme qui fait une pause clope à son balcon entre deux réunions en télétravail.
Eux aussi investissent leurs fenêtres et peut-être, que lorsque je ne m’en rends pas compte, eux aussi observent les autres.
Et puis parfois il y a les fous rires, les situations sur lesquelles on ne pensait pas tomber alors que, forcément, ça devait arriver.
Comme cette fois où je recevais mon ami Matthieu*. On était installé dans mon salon et, soyons honnêtes, l’ambiance n’était pas à la rigolade. Matthieu avait le visage creusé, des cernes gigantesques et toutes les deux minutes il passait sa main dans sa chevelure brune. Matthieu s’était fait larguer, une sale rupture aussi violente que brutale, un truc incompréhensible que personne ne souhaite vivre parce qu’il faut aller de l’avant alors que le cerveau appuie sur la pédale de frein pour essayer de comprendre quand est-ce que ça a déraillé.
Je lui avais dit que cette meuf ne le méritait pas (ce qui était vrai), qu’il fallait qu’il se protège et qu’il tourne la page (aussi vrai), mais c’était encore trop frais pour qu’il soit réceptif à mes paroles, aussi sages et raisonnées soient-elles (parce qu’elles l’étaient, si si). Lui, il voyait les semaines défiler et il s’enlisait de plus en plus dans ses névroses, incapables de surmonter le choc émotionnel. Ouais, c’était franchement sale comme rupture.
Matthieu était en boucle dessus. « Je suis en train de devenir fou, Sophie. Je déconne pas, le psychiatre m’a collé sous médoc. » Il buvait sa tisane à petites gorgées et je voyais bien que c’était surtout une excuse pour marquer un silence, pour ne pas repartir dans un nouveau monologue. Son regard était perdu dans le vide. Je ne savais pas trop quoi lui dire. Il n’y avait peut-être rien à dire à part écouter et compatir.
Matthieu a posé son menton sur le dossier du canapé, son front a frôlé la porte-fenêtre qui n’était qu’à quelques centimètres. Il a contemplé les commerces en bas de chez moi, l’air morose et le regard perdu. Par soutien, je l’ai imité. Une fenêtre de l’arrière d’un des bâtiments était ouverte, un rectangle dans le mur que je n’avais jamais remarqué car elle était d’habitude toujours fermée.
Deux personnes étaient allongées sur ce qui ressemblait à un vieux matelas, enroulées dans leurs draps. « A ton avis, ils parlent de quoi ? a demandé mon ami d’une voix éteinte. » « Ils discutent de rien du tout, Matthieu. Ils sont en train de baiser, j’ai répondu d’un ton neutre. » « Mais merde, putain, voir des gens amoureux qui niquent, c’est franchement pas de ça dont j’ai besoin ! » Difficile de lui donner tort.
*Le prénom de Matthieu n’est évidemment pas Matthieu.
✍️Ce qu’est (vraiment) un brouillon d’écriture
J’ai fait une erreur de débutante.
Je pensais que c’était une bonne idée, apparemment je me suis trompée.
Ça arrive.
Depuis début février, je suis (enfin !) dans la rédaction pure et dure de mes deux projets d’écriture. Je gratte le papier et ça avance plutôt bien. Je suis quasiment dans les clous de mes deadlines (oui, même quand je ne signe pas de contrat, le fait de me fixer des échéances personnelles m’aident à avancer) et ce que j’écris me plait.
Puisque je suis beaucoup moins sur les réseaux sociaux (et que j’ai décidé de retourner dans ma tanière dès le 01er février, au lendemain de la sortie du tome 4 des Enchanteresses), je me suis demandée comment donner de mes nouvelles sans que cela me prenne beaucoup d’efforts ni beaucoup de temps. On pourrait partir du principe que je n’ai pas besoin de donner de mes nouvelles, ce qui est totalement vrai. Si je me suis éloignée des réseaux sociaux, c’est notamment pour contrer cette course au contenu éphémère qui dévore notre attention et qui, au final, ne nous apporte pas grand-chose.
Je me suis donc demandée si j’avais peur qu’on m’oublie. Je crois qu’il y a une petite part de moi (irrationnelle, certes) qui le craint et qui est persuadée que cela arrivera tôt ou tard. Et aussi, une part (plus grande) qui s’en fout un peu… Qui trouve ça même formidable qu’on puisse m’oublier. Il y a quelque chose de rafraîchissant et de vertigineux de se rappeler qu’on est une personne parmi d’autres. C’est très libérateur et réconfortant.
Bref, si j’ai voulu donner des nouvelles en pointillés, c’était donc par réelle envie et non par contrainte ou obligation.
J’avais prévu de partager quelques extraits de mes brouillons d’écriture en stories Instagram. Rien d’ambitieux, rien de concret, rien de formel. De vrais brouillons, des premiers jets rédigés tels quels, de l’écrit brute. La base de tout, le début, quand tout n’est pas encore lisse et bien propre, quand il y a des défauts, des petites pétouilles, des choses qui ne vont pas.
On dit souvent que présenter son œuvre au monde, c’est donner une part de soi et donc faire preuve d’une grande vulnérabilité (et par conséquent d’une certaine force mentale). On sous-estime la vulnérabilité qui se cache aussi dans un brouillon. Dans ces morceaux éclatés qui ne font pas encore tout à fait corps et qui ont du mal à s’ajuster entre eux.
Je suis fascinée par les brouillons. J’adore tomber sur les manuscrits raturés et gribouillés d’auteurs.trices célèbres. J’adore comparer leur première version, celle qui est restée dans les tiroirs, à la dernière, celle qui fut publiée et montrée au public. J’adore comprendre le cheminement, essayer de déceler les interrogations qui se cachent derrière ces modifications et ces choix éditoriaux. Toutes ces traces sont précieuses, elles sont même inestimables. Avoir sous les yeux un processus créatif est merveilleux.
On ne peut donc pas juger un brouillon, mais on devrait respecter le brouillon pour ce qu’il est. Un commencement.
Alors, j’étais peut-être naïve, moi qui passe mon temps à répéter que le brouillon est une étape importante, qu’il ne faut pas avoir peur de ses propres fautes, faiblesses, erreurs ou même incohérences. Qu’il ne faut pas craindre tout ce qui y manque et tout ce qui y est en trop. Le brouillon est une base formidable, laborieuse et éprouvante, qui prend du temps car tout s’y consolide. Mais le brouillon doit exister pour pouvoir avancer. Et une fois le brouillon terminé, l’heure viendra de repasser dessus et de se confronter à ce qui n’allait pas. C’est le jeu. Mais c’est un jeu que l’auteur/l’autrice vit seul.e et qui ne regarde que lui/elle (du moins, tant que l’éditeur.trice ne rentre pas dans la course).
J’ai été naïve et j’ai cru que cette étape de la rédaction était comprise. Autant d’un point de vue professionnel que symbolique. Qu’on mesurait l’importance d’un brouillon et ce qu’il représente pour son propriétaire. Et donc je ne pensais pas qu’on viendrait me faire remarquer dans mes propres mots que je partageais avec plaisir (et en ayant précisé en toutes lettres que c’était un brouillon), les corrections que je devrais faire par la suite.
Je ne sais plus si je suis passée d’abord par la sidération ou par la colère, mais pour ma santé mentale et pour le bien-être de mes écrits, j’ai préféré tout retirer d’Instagram. C’est idiot car cette démarche me tenait à cœur : je voulais rappeler aux personnes qui débutent dans l’écriture qu’un brouillon n’est réellement pas parfait, pas abouti et qu’il comporte pleins de défauts.
Cette phase préparatoire est nécessaire pour avancer et il est temps d’arrêter avec le mythe de l’œuvre qui jaillirait magiquement de son artiste, sans avoir besoin de corrections ou de modifications.
Je vais donc reprendre mes habitudes et garder pour moi ce que je rédige jusqu’à ce que ce soit publiable/publié. Tant pis. J’avais vraiment envie de partager ces moments où tout commence, les débuts un peu hésitants et où tout est encore à construire... Cependant, il est temps d’accepter qu’Internet n’est pas réceptif à cette démarche.
Puisque je partage du contenus depuis (trèèès) longtemps sur les réseaux sociaux, je suis habituée à l’exposition et à tout ce que cela implique. Pendant longtemps, j’ai un peu suivi le mouvement de cette croyance collective qui dit que « partager des choses en ligne, c’est s’exposer à la critique ». Je trouvais cette réalité inconfortable, mais puisqu’une minorité bruyante passait son temps à l’asséner, c’est qu’il devait y avoir du vrai.
Avec le temps, j’ai affiné ma position sur ce sujet. Effectivement, je pense qu’on ne peut pas contrôler ce que pensent et disent les gens de nous et, par conséquent, il faut se préparer à l’éventualité d’être critiquée. Cependant, je ne suis pas certaine qu’on doit accepter l’impolitesse, l’irrespect, la méchanceté, la malveillance et tout ce qui n’est pas constructif. Or, je pense que cette posture de critiquer constamment (ou très régulièrement) ce qu’on consomme, en fait partie. Encore plus quand on vient en faire part à la personne directement concernée qui ne nous a rien demandé.
Il y a quelque chose de vraiment fourbe et toxique à croire qu’il est normal voire sain d’exercer un contrôle permanent sur autrui, dans la manière dont on regarde/reçoit/juge ce qu’il ou elle partage. Or, c’est exactement ce qu’on fait quand on critique : on décide de partager nos remarques car on pense/on espère qu’elles auront une incidence sur la personne, qu’elles pourront la changer/ajuste/améliorer ce qui nous gêne, nous déplaît, nous dérange. Ne pas réussir à se retenir de le faire me pose question.
Supprimer tous les extraits du brouillon de mon manuscrit sur Instagram fut l’occasion d’échanger avec d’autres créatrices qui m’ont donné matière à réfléchir.
Il y a d’abord eu Racha, journaliste et essayiste, avec qui je partage cette observation : cet amour de la critique est très français. Je ne saurais pas dire si c’est négatif ou positif, peut-être entre les deux, mais force est de constater que nous, les français.e.s, nous adorons avoir quelque chose à redire sur à peu près tout… et on le fait savoir haut et fort (je précise que ne m’exclue pas de cette mauvaise habitude). J’ai sincèrement l’impression que cette manie de vouloir donner son avis est un trait culturel, même quand tous les signaux montrent que notre avis n’est pas attendu ou alors, qu’il n’est pas nécessaire. C’est aussi pour ça qu’on peut passer pour des personnes impolies voire désagréables auprès d’autres pays. Les expats sont les premiers à le remarquer quand ils viennent vivre en France et, s’ils s’accordent sur le fait que c’est rarement méchant, force est de constater que c’est quand même très pesant. Pour résumer ce que m’a dit Racha : “parfois, il faut juste savoir se taire et apprécier les choses telles quelles sont, même si tout ne correspond pas à nos attentes”. Bon, elle le disait mieux que moi, mais vous avez l’idée.
Margot, vidéaste sur Youtube, m’a partagé une remarque très pertinente : les « vrais brouillons » n’existent quasiment plus sur les réseaux sociaux. Si tout le monde s’accorde sur le fait qu’on a besoin de plus d’authenticité, qu’on aime les contenus « in progress » et « backstage » qui permettent d’entrevoir la réalité qui se cache derrière un produit/une œuvre finale… eh bien, force est de constater qu’Internet accepte difficilement ce que cela implique ! Résultat, on se retrouve souvent avec des « preview » déjà léchées et abouties loin de la réalité. Je n’y avais pas pensé, mais Margot a raison. En plus, ça créé un effet pervers : d’un côté, les personnes débutantes peuvent croire qu’un brouillon acceptable est donc un brouillon où le niveau et la qualité sont déjà au rendez-vous (faux !). De l’autre, les abonnés ont une image complètement biaisée de ce qu’est un brouillon. Face à des erreurs/des manquements, ils se sentent donc le besoin irrépressible de les corriger puisqu’ils sont dans l’incapacité de comprendre qu’on n’a pas besoin d’eux. L’auteur de l’œuvre se débrouille très bien tout seul, promis.
Mon amie Florence, qui est illustratrice et qui partage (beaucoup) son travail sur Instagram, rejoint aussi leurs observations : malgré toutes les précautions qu’on prend pour expliquer qu’un travail est en WIP (work in progress), qu’on est encore dans la phase préparatoire, que ce n’est que le début, que rien n’est finalisé (etc. etc…) il y a toujours des gens qui ressentent le BESOIN de venir ajouter leur grain de sel, de montrer qu’ils ont vu ce qui n’allait pas et qu’il FAUT qu’ils nous informent. Après toutes ces années passées à partager du contenu, je ne peux qu’approuver. Ces personnes se fichent que leur comportement soit toxique parce qu’ils n’en ont pas conscience. Comme ils n’ont jamais partagé leur travail aux yeux des autres, ils ne réalisent pas ce que cela implique psychologiquement. Encore moins quand il s’agit d’un brouillon.
Pour conclure, j’ajouterais que certaines personnes n’aiment pas l’idée qu’on ne souhaite pas leur avis. Je pense même que l’idée que leur opinion n’est pas la bienvenue, écoutée ou même appréciée leur est insoutenable. Internet nous donne l’illusion de l’horizontalité dans nos interactions et nous fait oublier qu’on a tout à fait le droit de choisir quel(s) avis comptent pour nous, dans quelles circonstances et encore plus selon l’étape de notre travail où nous en sommes.
Ce n’est ni cruel, ni narcissique, ni égoïste. C’est surtout du bon sens.
A bientôt,
Sophie G.
Très très intéressant ton retour sur la notion de brouillon sur les réseaux sociaux !! J'avais en tête de faire la même chose que toi, partager quelques premiers drafts de mon roman. Je vais cogiter davantage sur le sujet :)
Je suis également très curieuse de ce que vivent les autres, j'aimerais parfois connaître leurs pensées, etc.