🍦 Souviens-toi, l’été dernier...
Où je vous parle du tome 4 des Enchanteresses, de Barbie, Yellowface et de beaucoup d’autres choses.
Depuis cet été, l’envie d’écrire cette newsletter me démange. J’avais déjà beaucoup de choses à vous dire à ce moment-là : si mon été fut studieux, il fut aussi source de beaucoup de joie et de souvenirs qui me rendent déjà nostalgique.
Alors laissez-moi vous raconter mon été. Oui, faisons une parenthèse estivale avant d’accueillir l’automne à bras ouverts.
Le dernier tome des Enchanteresses
Commençons par le plus important : le point final de ma saga Les Enchanteresses. Je l’ai annoncé début septembre sur les réseaux sociaux, après avoir pris quelques jours pour digérer cette information.
J’ai fini d’écrire mon tome 4.
Je suis ravie de son contenu, je trouve que l’intrigue se tient, qu’il y a de l’idée, de l’ambition, une complexité narrative qu’il n’y avait pas dans les précédents. Il me semble à la hauteur de ce que doit être un tome final, je lui ai apporté toute la rigueur nécessaire pour qu’il le soit. Ce tome 4 est si long, riche et dense que j’ai eu du mal à en voir le bout. D’innocentes scènes sans enjeu se sont transformées en des chapitres imprévus, des dialogues de quelques répliques sont devenus des échanges profonds sur plusieurs pages. J’ai parfois eu l’impression de creuser dans de la terre aussi dure que du bitume, où chaque coup de pelle m’arrachait la peau des doigts.
Alors, j’anticipe : tout le travail autour de ce dernier tome n’est pas encore terminé, au contraire…
Mon manuscrit est actuellement entre les mains de mes éditrices et de ma préparatrice de copies afin d’être relu, annoté et rechallengé avec minutie. Sans compter qu’on arrive à la « vraie » fin, celle qui ne sera pas compensée par un tome suivant. La conclusion doit être digne de mes lectrices qui suivent les aventures de Bleuenn, Flora et Lizig (ainsi que du reste de la bande) depuis 3 ans (déjà !). En octobre, viendra le temps des corrections et des révisions. Plus d’un mois s’est écoulé depuis que j’ai finalisé cette première version. Je n’ai pas rouvert mon fichier, j’ai besoin de laisser décanter ces plus de 110 000 mots qui sommeillent dans leur coin. J’y pense tous les jours, je sais déjà ce que je souhaite modifier et je suis curieuse des retours de ma maison d’édition. Je sens qu’il y a beaucoup de travail et que c’est un sacré morceau dans lequel je vais me plonger durant une partie de l’automne.
Je me souviendrais du dernier été à écrire les Enchanteresses pendant longtemps. Comme vous le savez, j’écris rarement l’été (même si l’atmosphère particulière de ses nuits m’attirent). Je trouve que cette période possède une certaine langueur qui invite plus au repos et à la farniente qu’à la productivité. Mais les deadlines à respecter ont bousculé mes habitudes. Voilà donc un nouvel été passé à écrire chaque soir après mon travail de bureau, les épisodes de Sex & The City en guise de compagnon nocturne. Les scènes où Carrie suait au-dessus de son clavier avec un ventilateur bruyant comme meilleur ami m’ont fait l’effet d’un miroir sur mon quotidien.
En parlant de ma saga, soyez au rendez-vous le 04 octobre pour une chouette annonce. Un indice en trois mots ? petit, pratique, abordable.
Cet été, j’ai pris le train pour l’Angleterre
Vous savez que je porte une affection particulière aux pays anglo-saxons. Ils nourrissent mon inspiration et par conséquent mes travaux d’écriture. J’ai vécu en Bretagne après mes études et ce choix n’est pas anodin : il y a des points communs ma région chérie et ces différents pays. Les traditions et le folklore celte qui les lient font partie de mes terrains de jeux préférés et je m’y réfère avec plaisir au moment d’écrire. L’univers des Enchanteresses est au carrefour de toutes ces croyances anciennes. Les légendes bretonnes que j’y infuse ne sont pas réfléchies comme un socle isolé, mais bien comme un archipel, un écosystème organique dont je ne parviens qu’à cueillir des bribes.
Je n’exclue pas l’idée d’écrire un jour un récit qui se déroulerait au Royaume-Uni... Mon voyage à Oxford en février a même renforcé cette envie. C’est pourquoi je poursuis mon exploration.
Si j’ai séjourné à Londres pendant une semaine, je n’ai que très peu foulé ses rues. Avec mon amie Claire, nous avons vadrouillé de ville en ville. Je me suis promenée le long de la plage de galets qui mène jusqu’à la jetée de Brighton, j’ai parcouru les rues médiévales de Canterbury, j’ai vécu à l’ère de Jane Austen en découvrant Bath (cette ville fut un coup de cœur !), je me suis perdue dans les allées dark academia de Cambridge et, pour conclure… j’ai grimpé tout en haut des falaises de Douvres sans pouvoir les admirer cependant (un bien beau fail qu’on pourrait conclure par un « ça fait des souvenirs »). Les lieux se sont succédés et, à travers les architectures à couper le souffle, les enseignes pittoresques et les frites mangées sur le pouce, j’ai essayé de capturer un peu de ce que j’aime tant dans ces pays où la pluie, le froid et le vent rythment le quotidien de ses habitants.
Rentrer chaque soir à Londres a renforcé cette distance avec une Angleterre qui ne connait pas la frénésie des grandes villes. Nous logions non loin de Shoreditch, l’ancien quartier ouvrier désormais hipster (ce n’est pas moi qui le décrit ainsi, mais Google dès le premier résultat de recherche). Notre hôtel était coincé entre Whitechapel et Bricklane ; une partie de la ville que je ne connaissais pas. Tous les soirs, cette longue rue aux immeubles en briques s’anime au rythme des allers et venues des millenials et gen Z qui cherchent les meilleurs pubs pour s’enfiler des bières jusqu’à la tombée de la nuit, coincés entre les concept stores vegans branchouilles et les nombreux restaurants indiens.
Même si j’ai dévalisé Waterstones durant mon séjour, j’avais emmené avec moi une pile de bouquins qui a su m’occuper durant mes trajets en train. Je garde un souvenir ému de plusieurs lectures qui se sont révélées parfaites pour ce voyage :
- Swing Time dont j’ai savouré chaque ligne. Zadie Smith sait raconter les histoires d’amitié et de trajectoire sociale. Je l’ai dévoré et j’ai souvent repensé à la dualité qu’elle raconte entre ses lignes, celle de deux femmes qui ont cherché par tant de moyens à s’opposer alors qu’elles étaient pourtant si proches.
- Open Water que j’avais acheté car-tout-le-monde-le-lit-donc-pourquoi-pas-moi. Je me suis retrouvée dans les personnages, leur besoin vital de ne faire qu’un avec l’art et d’embrasser leur passion à bras le corps. La plume de Caleb Azumah Nelson explore des voix/voies dont on parle encore trop peu : il raconte la masculinité avec une sensibilité qui m’a bouleversé.
- Il y a aussi eu Sorrow & Bliss de Meg Mason dont je n’ai pas grand-chose à dire, à part qu’il faut le lire pour comprendre. Derrière l’humour caustique, chaque ligne est un cri du cœur pour comprendre et sensibiliser aux maladies mentales et psychiques.
- Et enfin, comme beaucoup de monde il y a eu Yellowface de R.F.Kuang, une satire mordante sur le monde de l’édition. Je l’ai dévoré en quelques heures, enroulée dans les draps du lit de ma chambre d’hôtel. J’ai ricané (beaucoup), j’ai aussi appris (souvent) et réfléchi (encore maintenant). Ce livre mérite son succès, mais si vous l’avez lu, peut-être que l’avis plus nuancé de withcindy vous intéressera. Il m’a ouvert une nouvelle fenêtre, sans retirer tout le plaisir que la lecture m’a procuré.
Barbenheimer, un duel qui n’a que le sens qu’on lui donne
Comme le monde entier, j’ai suivi avec amusement la sortie des films Barbie et Oppenheimer. Les réseaux sociaux se sont montrés très créatifs pour nous faire rire et patienter jusqu’au Jour-J. Je suis d’abord allée voir Barbie, plus court et fun, ce dont j’avais grand-besoin entre deux chapitres de rédaction du tome 4 des Enchanteresses.
Je n’avais vu aucun trailer et j’avoue avoir été désarçonnée par le contraste entre les scènes à Barbie Land (les décors, les costumes) et celles « IRL ». Les premières m’ont subjugué tandis que les secondes m’ont laissé sur ma faim. J’ai compris la nécessité de créer un tel décalage pour le bien de l’intrigue, mais j’ai trouvé la qualité de la réalisation loin de ce à quoi nous a habitués Greta Gerwig par le passé. Ce parti-pris cinématographique ne m’a pas convaincu. J’ai adoré Margot Robbie, même si j’ai surtout été éblouie par la performance de Ryan Gosling. J’entends les critiques qui trouvent que le film laisse une trop grande place à Ken (ce qui est déroutant alors qu’il est censé être l’incarnation-même du personnage secondaire), mais Ryan Gosling se montre digne de toute la place qu’il prend.
Il y a de très bonnes choses dans Barbie. C’est une comédie qui a souvent le bon mot au bon moment et qui pose un regard résolument moderne sur la place des femmes Depuis que le film est sorti, on m’a souvent demandé ce que j’en pensais. Sur Internet, j’ai l’impression qu’il n’y a de la place que pour deux positions :
- celle qui martèle que le film est un pamphlet féministe qui a le mérite d’être grand public, de se moquer de lui-même et qui fourmille de références et d’idées brillantes à chaque minute
- celle qui assène que le film est tiède, résultat d’un féministe-consumériste-ultra libéral qui permet à Mattel de redorer son blason à moindre frais
Sans surprise, les féministes partisanes de la première accusent les secondes d’être snobs et élitistes et les secondes reprochent aux premières de n’avoir aucun esprit critique et de répéter les discours des dominants. Ces réactions opposées, souvent sévères, me rappellent qu’il est primordial de laisser à l’ensemble des publics prendre la parole. Il n’existe aucune réception homogène d’une œuvre et des désaccords ne signifient pas que l’un.e a mieux compris le film que l’autre. On ne peut décréter que Barbie est un film féministe tout public parce que notre cousine y a découvert le mot « patriarcat » et à l’inverse, on ne peut affirmer que ce film devrait être notre ennemi public numéro 1 simplement parce que toutes les marques de fast-fashion ont surfé sur la vague.
Je grossis le trait, mais je pense qu’il est important de se souvenir que la réception d’une œuvre ne peut se réfléchir que de façon globale, en prenant de la distance et que la posture empirique a ses limites. Bref, je ne me retrouve pas dans ces critiques qui voient dans Barbie notre sauveuse ni dans ces critiques qui rejettent le film en bloc. J’ai l’impression que la plupart de ces analyses essaient de se convaincre elles-mêmes et de convaincre les autres au passage.
Je vais donc avoir un avis qui n’a rien de révolutionnaire, puisque ma position se situe au carrefour des deux. Mes yeux roulent dans leurs orbites quand j’entends parler d’une « nouvelle ère du féminisme » qui s’ouvrirait grâce à ce film (ahh… le sens de la mesure, un concept inconnu sur Internet), mais je pense qu’il est représentatif d’un changement de regard sur les femmes dans nos sociétés. OK, en matière d’égalité on est encore loin du compte, mais Barbie illustre une évolution, un tournant. Quelque chose a infusé depuis Me Too et il ne tient qu’à nous d’écrire la suite. Barbie fait partie de ces récits, justement. Il n’est pas le seul, il n’est pas toujours le plus pertinent, mais il existe.
Fin août, je me suis ruée au cinéma pour voir Oppenheimer. Le tome 4 des Enchanteresses était bouclé, je pouvais aller voir un film de 3h sans culpabilité. Pour être honnête, Christopher Nolan ne fait pas partie de mes réalisateurs préférés : j’apprécie beaucoup Interstellar (et Matthew McConaughey, hum), mais mon enthousiasme s’arrête là. Je me suis donc rendue à ma séance avec une curiosité modérée.
Mon avis va être dithyrambique et manquera donc de nuance : j’ai été bluffée. J’ai trouvé le film exceptionnel tant dans son casting (Cillian Murphy et Robert Downey Jr pour ne citer qu’eux) que sa construction narrative et le récit qu’il porte. Mes connaissances autour de la bombe atomique sont maigres et j’ai découvert tout un sujet qui m’était jusqu’alors inconnu. Au-delà de l’aspect pédagogique (qui est brillant), ce film est un bijou cinématographique qui mérite qu’on prenne le temps de le visionner.
Je suis sortie de la salle de cinéma ébahie par ce film que je qualifie volontiers de chef d’œuvre (les quelques références à Dr Folamour ont peut-être penché dans la balance…). J’entends les critiques concernant la nudité de Florence Pugh, critiques que je ne partage pas. Je considère que sa nudité fait sens, notamment car elle est accompagnée de celle de Cillian Murphy et que les deux sont représentatives de leur intimité, de la transparence et de l’honnêteté qu’ils se portent réciproquement. Je me doute que cette position ne fera pas l’unanimité et ce n’est pas très grave.
Les grands oubliés de l’été
Le matraquage Barbenheimer a laissé sur la sellette des œuvres cinématographiques qui méritent qu’on leur prête attention. Deux ont retenu mon attention :
Marcel le Coquillage, un film d’animation toute en finesse qui m’a fait pleurer à chaudes larmes… ainsi que Yannick, dernier bébé de Quentin Dupieux, un huit clos hilarant et plus touchant qu’il n’y paraît (saupoudré d’une critique salutaire sur l’art bourgeois).
J’ai beaucoup parlé de mes coups de cœur, mais je n’ai même pas pris la peine de vous parler des déceptions. Il n’y en aura qu’une à retenir, The Idol. Les critiques avaient prévenu avant la diffusion : cette série serait médiocre et les conditions de réalisation y sont pour beaucoup. J’ai lancé le premier épisode avec une curiosité malsaine… j’avoue ne pas avoir été déçue du voyage. L’intrigue est truffée d’incohérences, de stéréotypes et de schémas narratifs tout droits sortis d’un nanar. Les personnages ne sont pas complexes, ils sont navrants de bêtise voire cringe. Le jeu très premier degré de Lily Rose Depp (ici digne d’une actrice de films emoji-pêche-emoji aubergine), n’arrive pas à répondre à celui de The Weeknd, beaucoup plus ironique. Le public plus averti devinera le côté faussement trash parfois millième degré (et la reprise de l’esthétique sordide des thrillers eighties y joue pour beaucoup), mais l’ensemble est tellement empêtré dans un sexisme crasse qu’on ne reste que pour hate-watch. Bref, The Idol est un mauvais brouillon d’une série qui aurait pu se révéler prometteuse, mais qui a loupé le coche.
Alors que je termine cette newsletter…
…je réalise tout ce que je ne vous ai pas racontés sur ces deux mois passés.
🎟️ L’achat des places pour Taylor Swift qui fut sûrement le plus grand drame d’Internet pendant une semaine. Mais je peux le dire, après avoir « screaming, crying » … « I survived the great war ».
🚆 Les week-ends en Vendée pour profiter de la météo ensoleillée au bord de la piscine, ainsi que les mariages de ceux qu’on aime et qu’on est heureux de voir s’unir pour l’éternité.
🎸 Mon premier festival (Rock en Seine) : la foule étant une grande source d’anxiété chez moi, m’y rendre m’a demandé un gros travail de préparation en amont… but I did it ! J’ai coché cette case de ma bucket list et avant mes 30 ans (je considère ça comme une double victoire). Et puis… quelle première fois ! Boygenius, The Yeah Yeah Yeahs, Foals, Wet Leg (sous la pluie !), The Strokes… Avec mon amie Mélanie, nous avons passé trois jours inoubliables. J’ai aussi pu recroiser Marion, amie de longue date que je n’avais pas vu depuis 8 ans ❤️ (merci Internet pour les belles amitiés que tu m’offres).
📱 Les discussions irrégulières avec mon père pour s’échanger des banalités et tous les Tiktok qui nous faisaient rire (même quand l’autre ne comprenait pas pourquoi)… juste parce que nous ne nous sommes pas vus pendant plus de deux mois, la faute au tome 4 des Enchanteresses qui vampirisait tout mon temps libre. Une manière pudique de se dire « je pense à toi, tu me manques ».
Je ne rentre pas dans le détail…
…Je crois que je vais garder ces morceaux de vie pour moi.
A bientôt,
Sophie G.
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Si heureuse de pouvoir te lire ici, Sophie ! Merci d'avoir partagé ton été avec nous 🫶