Les sensations que j'ai ressenties au moment d'écrire cette première lettre sont étranges. Elles oscillent entre l'excitation et l'appréhension. Allez-vous apprécier ce nouveau format ? Allez-vous le comprendre (dans le sens : comprendrez-vous son utilité et ce qu’il représente pour moi) ? Allez-vous me lire jusqu’ici, en dehors des réseaux sociaux ? Je ne sais pas. Et c’est peut-être les doutes qui enveloppent ce nouveau projet qui me poussent à sauter le pas.
Je n’aime pas le doute. J’aime la certitude, j’aime savoir. Et parfois, pour savoir, il faut se lancer. Il faut se jeter à l’eau.
Mais l’envie d’écrire était plus forte.
Il fallait que je sache, vous comprenez ? Si j’étais capable de le faire.
D’écrire.
Enfin non, ça, je sais que j’en suis capable. Je suis autrice, après tout. Ecrire, ça me connaît. Les mots font partie intégrante de ma vie… comme une bonne partie de l’humanité ? Je ne suis pas plus exceptionnelle qu’une autre, mais je fais partie de cette frange de la population qui aime ordonner les mots, qui aime les répéter sur le bout de sa langue, qui aime les écouter encore et encore, qui aime les reformuler, les modifier, les réorganiser. Et puis, enfin, qui a besoin de les coucher sur le papier, de les figer quelque part, quand le résultat ne lui semble pas trop mal.
Ensuite, je recommence... et je trouve la fois suivante encore plus satisfaisante. Le plaisir ne disparait jamais. Au contraire, il grandit. Il y a des sessions d’écriture plus difficiles que d’autres et pourtant, c’est grisant à chaque fois.
Voilà pourquoi j’écris, ceci est la première raison. Parce que j’aime les sensations que ça me procure. Puis vient la deuxième raison.
J’aime qu’on me lise.
C’est un peu étrange de le formuler ainsi, mais je suis quelqu’un d’honnête. J’aime savoir que quelqu’un va me lire, que cette personne que je ne connais pas va accorder du temps à ce que je raconte. Je ne peux pas anticiper toutes ses réactions et je n’essaie pas, parce que là n’est pas mon métier.
Je ne sais pas comment je dois définir mon métier, en réalité. Un jour, il faudra que je me penche dessus. Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui, j’ai envie de vous raconter comment cette envie de newsletter a germé au point de se transformer en une (presque) obsession.
Ma passion pour les mots me pousse à écrire depuis que je sais le faire. Il n’a fallu que quelques livres pour me convaincre que, moi aussi, je pouvais aligner les phrases dans l’espoir d’arriver à un résultat plutôt convenable. Bon, j’avais 6 ans… c’était tout sauf convenable, mais la machine était lancée. Ma grand-mère paternelle y est sans doute pour beaucoup. Je me souviens que c’est elle qui m’avait expliqué que ces livres que j’aimais tant étaient écrits par de “vrais” gens. Si je le souhaitais, moi aussi je pouvais le faire. Elle aurait pu lancer ces paroles en l’air, mais ce fut tout l’inverse. Elle a abordé ce sujet avec le plus grand sérieux. Je n’étais qu’une enfant, mais elle voulait que je comprenne que c’était possible. Il y a des gens qui écrivent et qui en font leur métier, alors pourquoi pas moi ?
Alors voilà, moi aussi je serai écrivain.
Ou écrivaine ? Je me souviens de la première fois où j’ai entendu ce mot, c’était dans sa bouche, à ma grand-mère. Elle se demandait s’il existait, ce mot. “Bien sûr qu’il doit exister, quelque part, quelqu’un a déjà dû y penser” avait-elle fini par dire. Je sens encore l’odeur du tabac froid dans sa voiture alors qu’elle roule vers une destination dont je ne me souviens pas. Je revois ses gants en cuir qui se cramponnent au volant, ses doigts qui remuent au rythme du morceau de classique que diffusait sa station de radio préférée.
Désormais, ma grand-mère ne se souvient plus vraiment de mon existence, mais je me souviens pour nous deux. Elle fut le début de quelque chose de grand et qui me dépasse à présent :
J’ai choisi de dédier ma vie à l’écriture.
Petite, je raffolais des rédactions, j’adorais l’idée que mon instit’ allait me lire et peut-être faire lire ce que j’avais écrit aux autres élèves. Je ne préfère pas trop y penser, mes écrits ne devaient pas être fameux, mais je me souviens de ma fierté et de ma joie à l’époque. On me lisait, enfin !
J’existais.
Lorsque les blogs sont arrivés dans nos vies, j’ai été attirée par eux comme un aimant. J’étais au collège et je voulais en être. Je me souviens que chercher une image pour accompagner mon post me gonflait, mais c’était plus joli avec une belle photo et les gens étaient plus enclins à vous lire avec un visuel en début de post. Alors, je me pliais à l’exercice, même si la seule chose qui m’intéressait était d’écrire et puis de répondre aux commentaire des gens qui me lisaient. Je voulais écrire toute la journée. J’ai donc eu des blogs sur tout (et n’importe quoi) : sur ma vie, sur mes passions, sur les célébrités, sur des sujets qui n’étaient pas des passions, mais qui m’amusaient. Les plateformes se sont succédées en même temps que je grandissais.
Et moi, j’étais toujours là. De jour comme de nuit (beaucoup de nuit, c’est à ce moment que je suis devenue une chouette qui préfère vivre au rythme des étoiles que des rayons de soleil), les yeux rivés sur mon écran, à pianoter furieusement sur les grosses touches de clavier.
À côté, il y a eu les réseaux sociaux. Facebook, d’abord. L’écriture a alors changé. Elle s’accompagnait forcément d’images, mais ces images se racontaient avec d’autant plus de puissance si on les accompagnait de mots. Selon moi, les mots parachevaient tout. Ils permettaient de se distinguer, de révéler la part de nous-même que nous désirions mettre en avant. Bien plus que les photos de soirées floues et les selfies devant les miroirs sales de nos salles de bains, c’était ces bribes de phrases, un peu mystérieuses, maladroitement poétiques, qui exprimaient le plus important.
J’ai un souvenir très nostalgique de cette période. Certaines personnes y songent avec honte, gêne, embarras. Moi aussi, parfois. Mais l’amusement et la tendresse ne sont jamais loin. C’est une étape nécessaire pour apprendre et grandir.
Alors, puisque je voyais tous ces nouveaux outils autrement que comme un moyen de tromper l’ennui, j’ai continué. Tumblr, Twitter... Et j’ai voulu en faire mon métier. J’ai voulu consacrer ma vie aux réseaux sociaux. Non pas parce que je les aime aveuglément (ce serait même l’inverse, car lorsqu’on devient experte d’un sujet on en devient aussi la première critique) mais plutôt parce qu’ils m’ont apporté quelque chose que personne ne pouvait m’offrir à l’époque.
Une voix. Une plume qu’on lisait. Ma voix. Ma plume.
Ecrire pour moi et rien que pour moi ne m’a jamais beaucoup intéressé. J’ai tenu sérieusement deux journaux intimes (dans toute une vie, c’est maigre). Petite, j’avais peur qu’on tombe dessus (le premier a fini à la poubelle et j’étais soulagée de m’en débarrasser, le deuxième se niche dans un carton au fond d’une armoire).
Je n’imaginais pas garder l’écriture comme quelque chose d’intime.
J’ai encore du mal à le concevoir.
Dès que j’écris quelque chose, je réfléchis à comment l’offrir au monde. Encore plus aujourd’hui. Non pas comme un cadeau grandiose, mais plutôt comme une pierre parmi d’autres dans une mer de galets.
J’ai poursuivi cette écriture à la fac. Peu de monde autour de moi a compris. Pourquoi ce besoin irrémédiable d’écrire ? Entre mes disserts d’Histoire, mes devoirs de Sociologie, n’était-ce pas suffisant ? Ecrire sur Internet durant tout le week-end, n’est-ce pas qu’une activité d’ado qui n’a pas le droit de sortir ? Et moi je ne savais pas quoi répondre, alors que j’avais l’impression que mes liens les plus purs, les plus forts, se formaient par les mots. Les discussions de vive voix n’avaient jamais le même goût, la même force, la même intensité. Tout se passait là, sur cet écran, au moment où j’appuyais sur le bouton “publier”. Peu importe combien de personnes me lisaient, qui elles étaient.
Mes réflexions sur la société sont venues alimenter ce que j’écrivais déjà, elles ont pris de plus en plus de place assez naturellement. Elles n’ont pas toujours été intelligentes, brillantes, innovantes, pondérées. Elles ont pourtant eu le mérite d’exister et de parfois faire mouche, aider, provoquer la discussion.
Et puis il y avait ces histoires inventées, les fameuses : les fanfictions que j’écrivais en pleine nuit pour poursuivre un univers qui n’avait plus grand-chose à m’offrir. Je me souviens des questions très sérieuses, à l’époque, de la part de mes lectrices : “quand est-ce que tu écriras tes propres romans ?” “pourquoi tu ne publies pas un livre ?” Ces questions me prenaient de court. On ne me demandait pas si j’y pensais, on me demandait quand est-ce que ça arriverait. Mes réponses étaient toujours vagues. Je laissais le métier d’écrivain à des gens plus “grands” que moi… plus talentueux, intouchables, prometteurs. D’ailleurs, je n’avais pas conscience que ce que j’écrivais était une histoire à part entière et je ne concevais pas les personnes qui me lisaient comme un lectorat. Internet souffre d’une injuste illégitimité qui cause du tort à beaucoup trop de monde.
Ecrire en ligne m’avait fait comprendre une chose terrible : je n’étais pas la seule à avoir du talent. Je n’étais pas la seule à avoir entendu un jour qu’elle était douée. Alors pourquoi y arriverais-je plus qu’une autre ?
Encore aujourd’hui, cette question me taraude. Je n’ai pas la réponse. Il n’y en a pas.
Avec du recul, si je devais trouver une ébauche d’explication, ce serait dans le fait d’avoir poursuivi l’écriture, justement. De ne pas l’avoir abandonné. Elle m’a accompagné dans ma vingtaine, dans mes choix professionnels, dans les contenus pour les réseaux sociaux que j’ai créés (qui n’avaient rien de professionnel, eux). Elle a pris des formes variées : longs articles, courts posts, tweets aux caractères limités, phrases d’accroche, scripts vidéos ou de podcasts. L’écriture était là. Le reste n’était qu’un prétexte : ce qui comptait était de poser des mots.
J’ai consacré ma vie à écrire et je n’ai pas encore 30 ans. Il me reste encore beaucoup à améliorer et à bâtir dans ce domaine. J’ai hâte, souvent, et parfois, j’ai peur.
J’ai peur car j’ai amené mon écriture là où j’espérais le plus être lu. Sur les réseaux sociaux, je me plie à la majorité des codes, des bonnes pratiques et des tendances. C’est une déformation professionnelle. Je n’ai rien cherché à révolutionner ou à faire différemment. Depuis le temps, j’ai appris à vivre avec ces évolutions en ligne : on veut du plus court, du plus rapide, du plus synthétique. On veut de l’utile. Je ne jette la pierre à personne, je suis la première à en demander, de ces contenus. Mais ma posture a changé. Peut-être que le fait d’être publiée a joué un rôle. Mais je pense qu’avoir grandi, d’avoir quasiment terminé ma vingtaine, m’insuffle une confiance nouvelle.
Je ne veux plus répondre à une demande, aux besoins des autres comme je l’ai fait pendant une longue période où j’essayais inlassablement d’attirer de nouvelles personnes pour qu’elles me lisent, qu’elles trouvent de l’intérêt à mon travail. Une part de moi sait ce qu’elle vaut et le comprend de plus en plus. La Sophie de 26 ans qui doutait de chaque mot au moment de terminer le premier jet de son manuscrit n’existe plus. C’est tant mieux. Je ne suis plus aussi hésitante, à donner en permanence en espérant recevoir quelques compliments en échange, comme s’ils parviendraient à apaiser mes angoisses, à m’offrir de la valeur. Les inconnus sur Internet ne peuvent pas nous soigner. Ils ne peuvent pas nous sauver. Parfois, ils font même tout l’inverse.
Les angoisses persistent, mais elles se font plus rares. Elles savent que je réponds moins facilement, même si elles toquent souvent à la porte. J’entends la sonnette, mais je résiste. Parfois je glisse un oeil dans le judas, la main cramponnée à la poignée. Pas aujourd’hui.
Et puis, je veux participer aux règles du jeu. Dans cet énorme Monopoly que sont les réseaux sociaux, c’est une démarche délicate et utopiste. Certains essaient désespérément de faire revivre les blogs, d’autres pensent avec nostalgie à “l’ancien Youtube”, d’autres refusent d’admettre que les podcasts sont en chute libre (je n’ai pas prévu d’arrêter le mien, je précise)… et ne parlons pas de ceux qui trouvent Instagram “has-been”. Ces réflexions pointent du doigt un problème commun : où sont passées l’authenticité, la simplicité, la spontanéité, le temps où nous prenions le temps (justement !), où tout n’allait pas trop vite ? Je trouve ces sujets passionnants, mais ça fait longtemps que je n’essaie plus d’y répondre.
Je n’aime pas songer au passé, je n’aime pas essayer de faire revivre des contenus que moi-même je ne consomme plus.
La nouveauté me plaît. Elle m’intrigue. Elle m’attire. En réalité, elle n’est jamais vraiment nouvelle, elle est le produit d’évolutions, de changements, de conséquences.
C’est ce qui se passe avec cette newsletter.
Les réseaux sociaux évoluent en même temps que nos pratiques et, comme tout le monde, je ne recherche plus la même chose qu’il y a quelques années. Cette avalanche de contenus bruyants, éphémères, périssables, m’intéressent… à petite dose. Ils ne m’offrent pas une pleine satisfaction (et c’est sans doute pourquoi on les consomme en boucle, sans pouvoir s’arrêter), ils ne me nourrissent pas. J’en ai créé, j’ai vu les résultats positifs, les statistiques en hausse, les réactions en chaîne qui se succèdent… puis j’ai ressenti une profonde indifférence. J’ai aussi créé des billets longs, plus professionnels, lissés, bien structurés, parfaits pour les référencements Google et pour taper dans l’oeil des journalistes (quand ils daignent citer le travail qu’on a produit gratuitement, hé). Tout ce travail, toutes ces heures passées à concevoir et réfléchir à ces contenus, ne m’ont apporté qu’une fierté minime. C’était une simple case cochée parmi d’autre. Quelque chose “à faire”, parce qu’il fallait le faire. J’étais arrivée à la fin de la boucle, à la limite de cette forme d’écriture.
Fallait-il laisser Internet derrière moi et ne me consacrer qu’à mes romans ?
Cette idée m’a frôlé l’esprit, mais je l’ai vite repoussée. Internet n’a pas dit son dernier mot et moi non plus. Je refuse de cantonner mon écriture à des livres. Tout a commencé par eux, ils sont les racines de tout, mais Internet est venu se greffer et ne m’a jamais quitté. C’est une relation presque organique.
Internet offre une flexibilité incroyable. Beaucoup disent d’Internet que c’est un espace illimité et je ne suis pas d’accord. Je dirais que c’est un espace aux contours malléables, qui se tordent et s’élargissent grâce à nos actions collectives.
Il me fallait donc partir à la conquête d’un nouveau terrain de chasse. Explorer autre chose. J’ai pensé aux newsletters, parce qu’elles ont pris ces dernières années un regain de popularité qui me plaît. Elles ont l’authenticité et la spontanéité des blogs de l’époque, mais avec un parti-pris clair : “ici nous écrivons et nous privilégions les formats longs pour exprimer notre créativité, notre authenticité. Nous ne cherchons pas à rivaliser avec les réseaux sociaux car nous ne sommes pas les réseaux sociaux. Nous cohabitons avec eux comme ils cohabitent avec nous.” Chacun connait ses positions. J’aime quand il n’y a pas de batailles. Les guerres froides sont mes préférées.
La course effrénée à la visibilité en ligne m’a offert de très belles opportunités et de superbes rencontres (professionnelles, sentimentales, émotionnelles). C’est un travail (trop/très) chronophage qui a porté ses fruits. Mais j’ai besoin de me diriger vers une écriture plus digne. Par “digne”, j’entends dans ses conditions de production. Le temps est un luxe. Je m’en aperçois chaque jour. Le fait d’avoir deux métiers (celui de bureau et celui d’autrice) doit jouer dans mon désir de goûter à ce luxe. J’aime la profondeur que m’offre cette lenteur, cette longueur.
J’écris pour être lue car je veux m’unir aux autres par mes mots. Mais je veux que ces liens soient plus profonds. Les réseaux sociaux me lient aux autres, mais depuis quelques mois, je m’interroge sur l’ampleur de ce lien. Pour certains, il devient un dû. L’authenticité et la spontanéité créent de drôles d’échanges, des moments inconfortables où je ne parviens plus à poser les limites. Je ne pointe du doigt personne, il faut savoir prendre sa part de responsabilités, même quand c’est difficile pour nous d’y voir clair.
Je le disais il y a quelques jours dans une FAQ en stories que j’organisais sur Instagram (je le fais rarement) : partager en ligne fait partie de moi. Je ne peux pas effacer cette facette de ma personnalité. Ce n’est pas une “phase”, ce n’est pas un caprice d’adolescente en mal d’attention (oui, j’ai déjà entendu cette remarque). Je le fais depuis plus de 15 ans.
Par contre, je peux redéfinir les contours de ce partage, comme je l’ai déjà fait par le passé… sans grand succès cependant. J’ai essayé de compartimenter mais je suis nulle pour ça. J’ai essayé de tout mélanger et cela ne fait que renforcer mon anxiété. Je crois que sur ce terrain-là, je vais tâtonner encore longtemps. Ce que je peux faire, ce que je suis prête à tenter, c’est donner un peu moins, mais donner mieux, quand j’ai envie et comme j’ai envie. Mais surtout en repensant ce que j’entends moi-même par authenticité, intimité et réflexions personnelles.
Cette newsletter vous permettra de le découvrir au fil de ces lettres.
“Gang de Plumes” m’est apparu comme le nom le plus pertinent pour cette newsletter. Pour la petite histoire, ce nom vient d’un hashtag que j’ai imaginé en septembre 2020. Il renvoie à tous mes conseils d’écriture, les avancées de mes propres écrits et j’encourageais ma communauté à partager les leurs afin de se motiver et de s’inspirer ensemble. Ce hashtag vit désormais sa petite vie, en toute autonomie, et j’en suis ravie ! L’utiliser ici faisait sens : c’est un nouveau travail d’écriture auquel je m’attèle.
Alors que nous sommes le premier jour de l’automne, je réalise que l’écriture m’a habité tout l’été. Ce n’est pas la première fois, mais cela me surprend toujours. Il y a eu la fin de la rédaction du tome 4 des Enchanteresses (on en reparlera ultérieurement) et puis cette idée de newsletter qui avait germé avant la période estivale, mais qui a trouvé une place entière dans mon esprit durant août. Je dis souvent que je n’aime pas écrire l’été… je le fais par dépit, car je n’ai pas le choix : il faut bien que je respecte les deadlines de mon manuscrit ! Et pourtant, il y a quelque chose de presque mystique lorsqu’on été écrit une nuit d’été (oui, je n’aime écrire que la nuit). L’air est lourd et moite comme n’importe quelle soirée de canicule, mon pyjama colle à mes bras, mon ventre, mon dos. Je meurs de chaud, mes jambes sont gonflées, presque douloureuses. J’entends par la fenêtre les rires d’un groupe d’ados qui longe mon immeuble, seul bruit au milieu de la torpeur harassante qui s’est abattue sur Paris. Mon quartier est silencieux. La chaleur aura gagné sur la vie nocturne. Moi-même, je me sens bien courageuse à écrire sur mon ordinateur alors que les touches sont bouillantes.
A présent que la météo devient plus douce, je m’apprête à savourer une écriture différente. Moins en pointillée, plus soutenue (enfin, ces temps-ci je me repose, mais vous avez compris l’idée) grâce aux températures plus clémentes. Je songe déjà aux prochains numéros de cette newsletter.
La dernière fois, alors que j’étais assise sur un banc au parc et que le soleil irradiait de sa lumière unique de fin d’après-midi, je contemplais Geoffroy qui s’entraînait à son marathon. Mon humeur était morose pour des raisons sur lesquelles je ne souhaite pas m’épancher. Je pleurais doucement, ce n’était pas de gros sanglots, c’était tout l’inverse. Des petites larmes qui avaient eu beaucoup de mal à sortir. Y parvenir était un grand soulagement, car comme toutes personnes qui a déjà eu son cerveau malade, je refuse de ressentir ce vide au creux de l’estomac qui me rend atone. Je pleurais un peu tandis que Geoffroy exécutait ses allers et retours méthodiques. Autour de nous, les promeneurs s’étaient allongés dans l’herbe et se laissaient bercer par la mélodie lointaine d’un saxophone. Ses notes s’élevaient des abords du lac, là où les canards se pressent afin d’éviter les barques qui flottent à la surface de l’eau. Je me suis dit que c’était exactement pour ça que j’écrivais, pour figer dans le temps ces images si belles et pourtant si rares. Elles sont un lot de consolation quand notre âme est trop triste pour se réjouir du reste.
À bientôt,
Sophie G.
🎵 Musique du moment :
Bonus pour celleux qui ont lu jusqu’au bout. Ninja est toujours en forme, oui :
Je suis tellement heureuse de lire ta première newsletter. C'est génial de pouvoir lire tes mots sur un format long. J'ai hâte de lire les prochains numéros.
(J'avais écrit un message et il est parti dans les méandres d'internet suite à un mauvais update. Reprenons).
Aussi sûr que tu sais être une autrice, je sais être une lectrice. Ca, et le fait que tes blogs soient parmi mes meilleurs souvenirs d'Internet, sont deux raisons qui font que je suis ravie de te retrouver sur ce format long et en ligne. Personnellement, j'aime autant les newsletters que les blogs - ils répondent tous les deux à mon amour de l'écrit. Comme l'écriture te permet de figer dans le temps des moments, ce sont ces mêmes moments figés par d'autres qui me rendent si heureuses au quotidien et me permettent de m'attacher aux miens. C'est grâce aux auteurs et autrices tout ça, et tu en fais partie, alors merci encore de partager tes mots.
Alexandra - @thisisaleksa - Winter