💔 (Presque) dire au revoir à son roman
Dans la nuit de vendredi à samedi, j’ai envoyé à mes éditrices la version corrigée du quatrième et dernier tome de ma saga. Et maintenant ? Ou plutôt… et après ?
Début septembre, je vous annonçais sur les réseaux sociaux que j’avais terminé le manuscrit du dernier tome de ma saga de young-adult fantastique, les Enchanteresses. Cette première version avait été transmise fin août. Déjà à l’époque, je m’étais sentie fébrile. Ça me fait toujours ça lorsque je termine un roman : la fatigue, la joie, le stress et le soulagement se mélangent. J’ai besoin d’un temps pour redescendre et réaliser.
Pour ce tome 4, j’ai vite compris que ce serait un peu différent. On ne parle pas seulement de mon dernier roman terminé, mais du dernier roman de la saga que j’écris depuis 4 ans. Mes émotions étaient donc décuplées. Je commençais à dire au revoir à un gros morceau de ma vie (d’autrice et personnelle, car comme pour n’importe quel travail, les deux se mélangent, peu importe qu’on essaie de compartimenter).
D’où le fait d’avoir attendu la rentrée de septembre pour vous en parler !
Je me souviens que je prenais déjà mille précautions au moment d’annoncer que la rédaction de ce tome 4 était terminée.
« Ce n’est pas tout à fait fini », « il me reste encore les corrections que je recevrais en octobre ». C’est fou comme le temps est passé plus vite que je ne l’aurais cru : l’automne est arrivé ainsi que ces fameuses corrections… et je me suis donc retrouvée une nouvelle fois à bûcher sur mon roman. Il ne s’était passé que quelques semaines (environ 1 mois 1/2) et pourtant, il fallait déjà se remettre dedans. C’est toujours une sensation étrange, de redécouvrir son texte (qu’on a parfois un peu oublié, ce qui est volontaire puisqu’il faut prendre de la distance afin de mieux l’appréhender) qui plus est avec les annotations de personnes extérieures.
C’est d’ailleurs le sujet de ma précédente lettre : je vous explique en quoi consistent ces corrections, ce qu’on attend de moi et comment je les aborde. N’hésitez pas à la (re)lire ! Comme je ne souhaite pas me répéter, je vais plutôt vous donner mon ressenti, celui d’à peine 24 heures après avoir terminé ces corrections.
Déjà , ce fut long et difficile.
- Long, car le texte l’était : la version que j’avais envoyée faisait plus de 110 000 mots (soit 20 000 de plus que le tome 3 qui est, à l’heure actuelle, le plus long tome de ma saga).
Ma préparatrice de copie avait pas mal coupé et était redescendue aux alentours de 100 000. Cependant, j’ai « compensé » cette coupe en étoffant d’autres scènes. Je ne suis pas remontée jusqu’au nombre de mots qu’il y avait dans ma V1, mais j’en ai quand même rajouté entre 8 000 et 9 000… c’est pas rien !
Bref, comme pour l’écriture de la première version, j’ai parfois eu l’impression de ne pas voir le bout. Les semaines défilent à une vitesse folle tandis que, de mon côté, toute cette étape consiste à faire preuve de minutie, rigueur et précision… trois mots qui se marient mal avec « rapidité ».
- Difficile, car les corrections à apporter n’étaient pas simples. Avec du recul, j’ai l’impression que les deux tomes où j’ai eu le plus de facilités dans les corrections sont le premier et le troisième.
Celui-ci me fait plutôt penser au tome 2, car je me souviens qu’il y a eu des fois où je me suis arrachée les cheveux ! Alors, je l’ai déjà dit : j’adore mon deuxième tome, je suis très fière du résultat final, mais écrire une histoire policière EN PLUS d’une intrigue fantastique (bref, mélanger deux genres dans un seul bouquin) c’était pas le plus simple à gérer. Je m’en suis souvent voulue d’avoir fait ce choix narratif alors que je débutais dans l’écriture.
Dans ce tome 4, pas d’enquête façon Alice Roy/Nancy Drew (héhé), mais pas mal de mystères qui se croisent. Pour résumer, je dirais qu’il y a plusieurs intrigues en même temps = autant au niveau du fantastique qu’au niveau des relations entre les personnages.
Pour le premier point, c’est logique car la saga se termine. Je voulais donc de la tension, de gros enjeux, un peu de « wow ». Pour le second point, disons que c’est le résultat d’une saga qui se termine. Forcément, les personnages n’en sont plus là où ils étaient depuis le tome 1 et, après avoir pas mal évolué au fil des volets, il est temps de faire aboutir leurs arcs. Je compare ça à du jonglage : il faut trouver le bon équilibre, ne rien oublier, que chacun.e ait sa place (ni trop ni trop peu).
Face à un travail aussi ambitieux, il y a des incohérences au niveau de l’intrigue, des faiblesses narratives, des maladresses d’écriture qui se glissent : le but de ces corrections est de les retravailler une par une, de tout passer au peigne fin, de supprimer/ajouter/modifier/rallonger/raccourcir/couper/déplacer.
4 semaines plus tard, c’est fait.
Pour vous donner une idée, dans ma tête, ça ressemblait à cette scène de la version 2019 de Little Women :
Je me rapproche du fameux « au revoir », puisqu’après cette étape, il n’en restera (de mon côté) plus qu’une = recevoir la version maquettée de mon livre, c’est-à -dire une version mise en page de mon récit. J’aime beaucoup cette étape car elle rend tout hyper concret et j’arrive beaucoup plus à me projeter. C’est la dernière relecture, celle où il reste encore quelques annotations, propositions de modifications (que j’applique ou non) et ensuite… ce n’est plus à moi de m’en occuper.
Autant dire que je ne sais pas comment je me sens. Impatiente de recevoir la maquette ? Pas encore. Réticente ? Pas jusque là non plus.
Il me reste donc encore cette ultime étape et pourtant, cette fois-ci, j’ai fait quelque chose que je ne fais jamais d’habitude = j’ai ajouté mes remerciements à cette V2. Normalement, je les envoie toujours un peu plus tard. Je trouve que c’est un exercice compliqué, les remerciements. J’ai peur d’oublier quelqu’un, de ne pas trouver les bons mots… et puis, écrire ses remerciements, c’est dire « au revoir », justement. C’est se rapprocher de cette étape.
On en revient toujours au même point, hein.
Alors, j’ai décidé d’arracher le sparadrap d’un coup et j’ai écrit mes remerciements dès maintenant. J’ai profité de l’adrénaline, d’être sur ma lancée pour rédiger les remerciements de ce tome si particulier (ce qui les rend encore plus importants à mes yeux). Je les ai écrits, relus encore et encore et…
Voilà .
J’aimerais vous faire croire que ce choix est rationnel, que j’essaie d’affronter ce « au revoir » dès à présent, que c’est ma manière d’arrêter de le repousser, de ne plus être dans le déni…
Mais c’est faux.
J’ai décidé d’écrire mes remerciements dès maintenant parce que je sais que ce n’est pas tout à fait la fin. Je me raccroche à ça, à ces « pas tout à fait », « pas encore », « pas maintenant ». Je ne réalise pas. Ecrire mes remerciements, c’est donc une manière de garder pied, de ne pas lâcher prise. J’arrive à faire bonne figure là où je me serai sûrement mise à pleurer si j’avais repoussé l’échéance jusqu’au dernier moment.
Et ces temps-ci, je le déteste ce mot… « dernier ».
Je me fais de plus en plus à l’idée que les Enchanteresses est en train de se terminer, mais je ne l’ai pas tout à fait assimilé. Je pense encore chaque jour à Bleuenn, Flora et Lizig, ce qui est logique puisque je viens à peine de lever le nez de mes corrections. Seulement, je n’arrive toujours pas à me dire que je ne vais plus écrire leur vie. Peu importe ce que mon esprit imagine, je ne l’écrirais pas sur le papier. C’est comme ça, c’est tout.
Il sera temps de tourner la page, de passer à autre chose. Une part de moi en a envie, puisque j’ai des tas d’autres idées de romans. Et l’autre part… ce n’est pas qu’elle ne le souhaite pas, c’est qu’elle n’arrive pas à le concevoir. C’est sans doute trop tôt, mais l’idée même qu’un jour je ne penserais plus tous les jours à Bleuenn, Flora et Lizig me semble impossible. Je ne vais pas pouvoir les oublier : je les ai créées, puis je les ai vues grandir, évoluer, changer, durant plusieurs années. Pourtant, c’est un fait : bientôt, elles ne seront plus ma priorité. Ça me semble absurde.
Un peu comme une rupture… de papier : pourquoi ? comment ? à qui la faute ?
À personne.
C’est la suite logique. Voilà , c’est ça, le problème. C’est « logique » alors que tout ce que je ressens est irrationnel puisque ça renvoie à l’affect, à mes tripes, à mon cœur.
Donc, ouais.
Les Enchanteresses, c’est pas encore tout à fait terminé.
Et tant mieux.
Car comme vous pouvez le constater, j’ai encore du chemin à faire pour l’accepter.
Cette lettre, c’est une manière d’appréhender la première étape.
Dans le deuil, il y en a 5 : déni, colère, marchandage, dépression, acceptation.
Ici, on va faire en sorte qu’il y en ait que 4.
Parce que c’est pas un deuil. Il y aura beaucoup de tristesse, oui. Mais il n’y aura pas de mort. Au contraire, c’est le début de tout, une histoire qui se termine.
C’est même ce qu’il y a de plus beau, dans l’écriture.
C’est pour ça qu’elle m’anime : elle est un rempart contre la mort.
Elle est immortelle.
Pas vrai ?