Je supprime tout ce que je fais
Aujourd’hui on parle de puzzles de 1000 pièces, de destruction volontaire, de renouveau qui prend de la place et de l’ancien qui ne disparaît jamais vraiment.
✨ Hello,
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👋 Je suis Sophie Gliocas, une millenial de 30 ans, qui est née et qui vit (avec son chat et son amoureux) à Paris. Le jour, je travaille dans la communication social media et la nuit, j’écris des livres que vous retrouvez ensuite en librairies.
✉️ « Gang de Plumes » est une newsletter aux sujets pluriels : j’y parle de mon quotidien d’autrice (mon actualité, ma vision de ce métier, mon rapport à l’écriture), je partage des sujets plus intimes (notamment liés à ma santé mentale et plus généralement, à mon quotidien) et je vous livre aussi mes recommandations (pop)culture et parfois lifestyle.
Dans cette lettre je vous raconte :
🧩 Vie de plume : Ma drôle de passion pour les puzzles… que je détruis sans état d’âme
✍️ Derrière la plume : Et le rapport que j’entretiens avec mes livres déjà publiés (alors que d’autres sont à venir)
« Mais pourquoi tu l’as détruit ?! »
Il y a quelques années, j’adorais filmer les destructions de mes puzzles afin les poster en stories Instagram. Je trouvais l’exercice très amusant : j’avais passé plusieurs jours à documenter étape par étape l’avancée de mes puzzles de 1000 pièces et il était temps de les détruire pour que chaque pièce retourne dormir dans la boîte. Ce carnage pour lequel je n’éprouvais aucun remord (voire même beaucoup de plaisir) amenait toujours son lot de réactions horrifiées :
« Ca t’a pris tellement de temps, je ne comprends pas pourquoi tu le détruis ! »
« Tu devrais plutôt le mettre sous cadre et l’accrocher au mur après toutes ces heures passées dessus. »
Bon.
D’abord, sachez qu’un puzzle accroché au mur ne fait vraiment pas partie de mes goûts en matière de décoration. 😬
Bien évidemment, toutes les personnes qui font des puzzles ne seront pas du même avis que moi. Certaines aiment conserver leur « œuvre » parce que la détruire leur fait mal au cœur. Ils rejoignent les commentaires que je reçois : « tout ça pour ça ! » « ah quoi bon passer autant de temps sur quelque chose qu’on finit par détruire ? »
Je comprends ces questions, mais je ne partage pas ce qu’elles sous-entendent.
Celleux qui ne font pas de grands puzzles (même si, en comparaison avec des passionné.e.s plus aguerrie.e.s, je suis une petite joueuse avec mes 1000 pièces) ont du mal à comprendre que le plaisir ainsi que la satisfaction d’assembler un puzzle ne résident pas dans l’objet final. Oui, un puzzle de 1000 pièces nécessite de la persévérance. On prend aussi du temps pour soi : on se concentre, on se détend, puis on laisse le temps faire son œuvre. Bien sûr, la fierté de l’avoir terminé est bel et bien là, mais je la trouve fugace en comparaison avec les heures passées penchée au-dessus de mes petites pièces à essayer de les emboîter les unes avec les autres.
L’étape de la destruction fait partie de mes préférées. Il se pourrait même qu’elle me motive à aller jusqu’au bout. Cette étape a quelque chose de jouissif : on anéantit un long travail ; tout n’est que chaos, destruction puis tout retourne à sa place. Au final, le puzzle réalisé n’est pas une finalité en soi. Tout ce qui arrive avant ce moment crucial est aussi important.
Lorsque je me mets à faire un puzzle, tout un rituel s’organise. Je débarrasse la table basse en verre du salon, je lance une série (dont le plus souvent je connais déjà les épisodes), je m’agenouille sur mon tapis de style persan puis je commence à répartir les pièces entre elles. Les bordures d’abord, puis selon des teintes assez similaires. Le couvercle de la boîte où je peux détailler avec minutie le modèle me permet de mieux me repérer, il est toujours à portée de mains.
Ensuite, il n’y a plus qu’à s’armer de beaucoup de patience. Au bout de quelques heures, les contours du puzzle sont dessinés et les pièces comment à le remplir. À travers la fenêtre, la lumière a changé. Le soleil du matin a laissé place aux rayons chauds et joyeux de l’après-midi. Des fois, la journée passe si vite que je mets du temps à réaliser que je distingue moins les nuances de couleur car le soleil est en train de se coucher. Il faudra plusieurs jours pour venir à bout du puzzle.
Il m’est déjà arrivé d’avoir un puzzle en cours alors que des ami.e.s venaient dîner à la maison. On se retrouve alors autour du fameux puzzle et mes invités tentent de me filer un coup de main. Certains sont plus doués (souvent ceux qui partagent la même passion que moi pour les puzzles) tandis que d’autres finissent vite par laisser tomber. Une bière ou une tasse de thé dans une main, une pièce de puzzle dans l’autre, je les observe qui essaient de trouver la solution à ce casse-tête. Parfois, Ninja vient se glisser entre nous afin d’observer notre curieux remue-ménage. Et, en même temps qu’on se triture le cerveau, les langues se délient. On discute, de tout et de rien, d’anecdotes du quotidien, nos pensées fusent (« alors le boulot ? » « t’as réussi à être augmenté ? » « et ton entretien, ça a donné quoi ? » « tu quittes quand ton appart ? » « t’es dans quel coin déjà ? »). Un puzzle n’a pas beaucoup d’enjeu et c’est ce qui le rend si rassurant, agréable, relaxant.
Lorsque je vivais à Rennes et que je rentrais du boulot en me demandant pour la énième fois ce que m’apportait mon job qui était d’un vide intellectuel abyssal, la tranquillité de faire un puzzle me réconfortait. Il m’arrivait de retourner à mon appart’ sur ma pause dej’ pour assembler quelques pièces. Je me vidais l’esprit, j’oubliais l’extérieur. Il n’y avait que mon puzzle et moi-même. Ce simple passe-temps m’était d’un grand réconfort.
En 2021, alors que je traversais une période très noire de ma dépression, les puzzles m’ont accompagné une bonne partie de mon été. Je ne m’alimentais quasiment plus, je n’arrivais presque plus à réfléchir et les seules pensées qui allaient et venaient dans mon esprit étaient si noires et morbides qu’elles me terrifiaient. Les puzzles m’aidaient à canaliser ces émotions, à me concentrer tant bien que mal tout en laissant la journée s’écouler doucement. Je me souviens de la première fois où j’ai réalisé que mes antidépresseurs commençaient à fonctionner. J’étais en train d’assembler des pièces et j’ai eu l’impression que mon cerveau grésillait. Ce n’était pas désagréable, juste curieux. La chimie était en train de faire son boulot. Quand je suis retournée chez ma médecin généraliste, une semaine après qu’un diagnostic ait été posé sur ma maladie, elle m’a demandé comment j’occupais mes journées. J’étais assise près de son bureau, en t-shirt Metallica XXL, jean baggy troué aux genoux, Vans damier aux pieds, et les cheveux pas peignés depuis 3 jours. Le COVID semait encore la zizanie, il y avait moins de lits en HP que d’habitude, impossible de me trouver une place. J’allais donc devoir compter sur ma propre bonne volonté pour ne pas flancher et commettre l’irréparable. « Je fais des puzzles », j’ai répondu très platement. « Eh bien continuez d’en faire autant que vous voulez », m’a dit ma toubib d’un ton très sérieux. J’ai suivi sa recommandation à la lettre. Ah, et on a aussi augmenté la dose de médocs.
Avec le temps, j’ai compris que le plaisir que j’avais de reranger les pièces d’un puzzle après des jours de labeur rejoignait un trait important de ma personnalité :
J’adore détruire ce que je fais et c’est également le cas en écriture.
Je crois même que c’est dans l’écriture que je détruis le plus (ce qui est logique puisque j’écris beaucoup et depuis longtemps).
Si je fouille dans mes souvenirs, je peux même affirmer que je détruis mes écrits depuis que je suis enfant. Journaux intimes, embryons d’histoires, brouillons de récits, articles de blogs, fanfictions publiées en ligne… je passe tout à la moulinette sans le moindre état d’âme et ce depuis des années. Cela concerne donc autant des écrits que je n’ai jamais montrés que des travaux qui ont eu leur place un jour ou l’autre sur Internet (voire qui ont été lus, parfois pendant des années).
Il m’est arrivé de recevoir des messages d’abonné.e.s qui cherchaient désespérément un de mes anciens articles, un post Instagram, une vidéo ou autre… et qui étaient déçu.e.s lorsque je leur apprenais que ledit contenu avait été complètement supprimé. Oups.
Si je prends l’exemple de ma fanfiction (celle que j’ai partagée pour la première fois il y a quasiment 10 ans), je l’avais retiré une première fois d’un site où je la publiais. Plusieurs problèmes techniques et déconvenues avaient eu raison de moi, je finissais par saturer et j’avais donc décidé de tout supprimer car je n’y trouvais plus mon compte. Par la suite, j’ai reçu des messages alarmés (eh oui, eh oui…) d’anciennes lectrices qui voulaient absolument la relire. Je me suis donc motivée à la repartager sur une autre plateforme car j’avais retrouvé le fichier Word dans un vieux dossier. Elles ont eu de la chance car j’ai moi-même été surprise d’en avoir conservé une version et, à part ce cas plutôt exceptionnel, je ne reposte jamais un écrit supprimé…
… tout simplement parce qu’il est fort probable que je ne l’ai plus en ma possession !
Oui, quand je supprime… je supprime pour de vrai.
Un peu comme lorsque j’étais petite et que je déchirais en mille morceaux les feuilles que j’avais couvert d’encre, j’ai également le clic « déplacer dans la corbeille » (presque) facile.
J’essaie de me soigner, en essayant d’archiver plutôt que de tout effacer… mais je trouve ça moins grisant. Ce n’est vraiment pas pareil et puisque ce n’est pas pareil, je n’y trouve pas autant mon compte. Donc je ne suis pas une très bonne élève et je conserve cet automatisme de supprimer plutôt que d’archiver. Sans compter que je me suis mise à l’archivage pour rassurer certains proches qui ne comprenaient pas ce besoin compulsif de tout effacer !
Ici, je me permets une précision : je supprime rarement sur un coup de tête. Ce que je supprime est le fruit d’une longue réflexion qui peut aller de quelques jours à plusieurs mois. J’accorde autant d’importance au fait de supprimer que de créer. Ce n’est pas un sujet que je prends à la légère, mais c’est une possibilité qui existe dans mon rapport à l’écriture alors je lui donne la place qu’elle mérite.
L’archivage serait un moyen de conserver. Or, ce qui se conserve peut se réutiliser tôt ou tard… notamment en écriture ! C’est vrai, mais je fouille rarement dans mes anciens écrits. J’aime relire ce que j’ai fait, mais je n’y cherche pas forcément des réponses. Ce n’est pas une lecture attentive, minutieuse, qui cherche à capturer ce que je n’aurais pas vu la première fois.
Je n’ai donc aucun intérêt à archiver. Ou très peu.
Si j’aime noter mes idées pour ne pas les oublier, je ne ressens pas non plus le besoin irrépressible de tout conserver sur papier. Je sais que beaucoup d’auteurs.trices (et plus largement, de créateurs.trices) se maudissent d’avoir perdu une idée qui leur semblait formidable car ils n’ont pas pris le temps de la noter. Personnellement, je pars de l’idée que si une idée est bonne, je l’aurais toujours en tête le lendemain, puis le surlendemain, etc. Elle se sera même affinée et précisée avec le temps. J’adore laisser les idées mûrir dans mon esprit sans les marquer quelque part.
Vous comprenez où je veux en venir : si une idée est bonne, je finirais par l’exploiter un jour ou l’autre. Je n’ai pas besoin de la « stocker ». Par ailleurs, si cette idée est vraiment bonne, il est fort probable que je l’ai conservé de tas de manières différentes à différents endroits (mon cerveau en fait partie) et que je retombe dessus un jour ou l’autre.
Donc, je n’archive presque pas mes écrits. Tout comme je fais régulièrement du tri dans ma garde-robe, que je me sépare de beaucoup de livres, que je n’hésite pas donner des objets qui ne me sont plus utiles, je n’aime pas accumuler pour le plaisir d’accumuler. Or, l’écriture est (selon moi) un matériau qui n’a pas toujours vocation à être durable, utile, voire dont la valeur peut décroître. Et le regard qu’on porte sur ce matériau peut évoluer avec le temps. Bien sûr, ce sont des considérations personnelles puisqu’il s’agit de mon travail et je ne saurais même pas expliquer comment je procède pour décider ce que je supprime ou non. Il s’agit souvent d’une intuition, d’être persuadée que cet écrit ne me convient plus, ne me correspond plus, qu’il a fait son temps et qu’il ne m’apporte plus la même joie/le même intérêt.
J’ai déjà essayé d’analyser ce besoin de supprimer. Un problème de confiance en moi ? Pas spécialement. Si je n’avais pas confiance, alors je ne créerais rien du tout ! Une insatisfaction permanente ? Peut-être, mais je suis la première à dire qu’il ne faut pas attendre que tout soit parfait pour faire. Un moyen inconscient de disparaître ? Cela pourrait être le cas si supprimer ne me procurait pas l’effet inverse…
Quand je supprime, je vide mon cerveau, je l’allège. Quand j’archive, la trace existe toujours, elle me pèse, elle devient une charge mentale dont je ne veux pas. Je n’ai pas ce problème quand je supprime. Quand je supprime un travail d’écriture, j’ai l’impression de respirer à nouveau. Je n’irais pas jusqu’à dire que je « renais », puisque je ne crois pas au mythe des nouveaux départs (selon moi, on ne recommence jamais vraiment de zéro comme si on était une page vierge qui ne traînait pas ses bagages derrière soi). Cependant, je me déleste du surplus pour conserver l’essentiel. L’essentiel étant ce que j’ai retiré de ces écrits : un nouveau savoir, une nouvelle approche, de nouvelles méthodes, etc.
Supprimer des écrits ne signifie pas que tout a disparu, au contraire. Il reste l’invisible, mais qui pourtant a une incidence concrète sur mon écriture : les leçons que j’en ai tirées et l’expérience que j’ai pu acquérir. Et ces nouvelles qualités vont me permettre d’avancer et d’améliorer mes futures créations. Supprimer ne signifie donc pas « laisser mourir ».
Tout comme je pense qu’il ne faut pas pleurer trop longtemps lorsqu’on perd des photos car il nous reste les souvenirs (et, s’ils ont disparu, c’est peut-être parce que notre esprit a décidé d’accorder de l’importance à d’autres qui sont plus beaux, durables et importants), je pense également qu’il ne faut pas s’émouvoir de supprimer son travail lorsqu’on en ressent le besoin.
Et j’en ressens souvent le besoin.
Donc, même si je ne supprime pas tout, tout le temps ; je supprime très régulièrement ce que je fais et tout peut potentiellement se retrouver supprimé. Cette nuance est importante : je n’ai pas besoin de conserver tous mes brouillons, toutes mes réalisations ou tous mes contenus pour avoir la preuve que j’ai bien bossé et que ce que j’ai fait a eu du sens, une utilité ou de la valeur à un moment donné. En réalité, j’aime cette sensation de passage. J’aime me dire qu’une chose a fait son temps.
Cependant, j’aime moins ce qui relève de l’éphémère. Tout ce qui s’apparente à une conception « Kleenex » (jetable, si vous préférez) m’intéresse moins. C’est également le cas dans les objets qui m’entourent : oui, j’aime faire du tri, me décharger, mais je rejette pas mal de réflexes consuméristes qui sont monnaie courante dans nos sociétés contemporaines. Less is more, comme on dit.
Donc, quand j’écris, je ne pars pas du principe que ce sera forcément supprimé et remplacé par autre chose. Si c’était le cas alors je n’y mettrais pas beaucoup d’application et encore moins de rigueur. Mais j’aime la possibilité que cela pourra être supprimé un jour ou l’autre, peu importe de quoi il s’agit (contenu, newsletter, manuscrit,…).
J’anticipe une remarque : sur Internet, rien ne s’efface complètement. De toute manière, ce n’est pas mon ambition. Comme je l’ai dit au-dessus, je ne supprime pas pour me donner l’illusion que je disparais. Je supprime car j’en ai envie et que j’en ressens le besoin. Bref, pourquoi m’en priver ?
À bien y réfléchir, il y a quelque chose de très égoïste dans ce rapport que j’entretiens à mes écrits. Après avoir pris la peine de les partager aux yeux de toutes et tous, je décide de façon arbitraire, sans demander l’avis de quiconque, de m’en débarrasser. Tant pis ! C’est moi qui décide.
Mais alors, quel est mon regard sur mes livres publiés ?
Puisqu’ils existent en chair et en os, difficile de les supprimer, n’est-ce pas ?
Effectivement, à part si je décidais de réaliser un autodafé géant de mes propres bouquins, je ne peux pas supprimer grand-chose… Bon, rassurez-vous ce n’est pas prévu. Et je ne suis pas très sûre que ce soit légal !
Je me suis posée cette question au moment de la rédaction de ma saga Les Enchanteresses. Bon, pas celle de l’autodafé, plutôt celle de mon plaisir de tout supprimer.
J’étais en pleine rédaction du premier manuscrit et je savais à quel point je souhaitais être publiée. Mais accomplir ce rêve d’enfant sous-entendait qu’il n’y aurait pas de retour en arrière. Une fois que j’aurais signé avec une maison d’édition, mon roman existerait en chair et en os. Je devais me rendre à l’évidence : je ne pourrais pas être égoïste et tout glisser dans la corbeille si ça me chante.
J’en ai tout à fait conscience et cela ne me dérange pas plus que ça.
Je « supprime » juste différemment. Oui, oui, tout à fait !
Depuis que j’ai commencé à rédiger de nouveaux manuscrits, je ne pense quasiment plus aux Enchanteresses. Alors, attention, cela ne veut pas dire que je rejette cette saga (d’abord, car j’en suis très fière ; ensuite, parce que je ne suis pas du genre à renier ce que j’ai réalisé… oui, même quand je supprime lesdites choses). Cependant, les Enchanteresses ne sont plus ma priorité… au point qu’il m’arrive de les oublier. Quand on me parle de mon écriture, j’aborde immédiatement mes nouveaux écrits alors que le tome 4 est sorti il y a moins de 2 mois (c’est si récent !).
Je me déleste à ma façon, je tente de ne pas me surcharger mentalement puisque mes nouveaux projets nécessitent toute mon implication.
Lorsque je repense à la fin d’année 2023 et à janvier 2024, ma propre anxiété me fait presque sourire. Je me posais tellement de questions ! Allais-je réussir à tourner la page ? Allais-je réussir à me lancer dans de nouvelles avancées d’écriture ? Il faut croire que oui.
Le jour où j’ai ouvert un nouveau fichier Word pour écrire (écrire vraiment, pas seulement poser un plan détaillé), mon estomac était noué d’appréhension. Finalement, ce fut plus facile (et plus fluide) que ce que j’imaginais. Bien sûr, je quittais un gros morceau pour me consacrer à de nouveaux challenges ce qui n’est pas rien ! Je vous épargne les premières phrases où j’écrivais le prénom « Bleuenn » par automatisme à la place de celui de mon actuelle héroïne 🤡. Ces vieux réflexes me rendaient dingue.
Il m’a fallu beaucoup de persévérance et exercer mon cerveau pour qu’il prenne le pli, mais avec du travail et de l’habitude, je suis parvenue à reléguer Les Enchanteresses assez loin dans mon esprit. Depuis, j’avance bien plus vite dans mes manuscrits et j’en suis très contente.
La petite pointe de culpabilité que je ressentais au début a fini par disparaître. Bleuenn, Lizig et Flora allaient-elles m’en vouloir ? Je ne le saurais jamais et ce n’est pas très grave puisqu’elles vivent leurs vies loin de la mienne. J’ai d’autres personnages, d’autres univers auxquels je dois me consacrer.
J’ai le dessus sur mon écriture, pas l’inverse.
C’est parce que je suis celle qui est en mesure de supprimer, que cela me plaît. Si quelqu’un s’amusait à le faire à ma place, je finirais en larmes, roulée en boule et folle de rage. Un peu comme le jour où ma petite sœur, qui n’avait que 7 ans à l’époque, s’est amusée à détruire un puzzle dont je n’étais qu’à la moitié. Pour l’anecdote, il m’a fallu 10 ans pour me décider à le recommencer. Comme quoi.
J’ai hâte de connaître votre rapport à vos propres travaux d’écriture (ou plus généralement, créatifs) : vous êtes du genre machine à broyer ou vos tiroirs débordent de vieux projets (achevés ou non) ? Qu’est-ce que cette lettre vous inspire ?
Pour répondre à ta question, j'ai l'impression que si on veut pouvoir faire de la place à de nouvelles connexions, à de nouvelles idées et de nouvelles inspirations on doit forcément faire un peu le ménage dans nos esprits, et donc savoir quand abandonner et détruire "spirituellement" des projets. Ce qui est génial avec ton habitude c'est que tu transformes ce procédé abstrait et symbolique en une application tangible et concrète avec un début, un milieu et une fin !
Pour maintenir une vie créative épanouissante Austin Kleon dit "Think Process, Not Product", et il me semble que tu es en plein dedans :)
J'ADOOOORE ce côté "j'assume ma weirditude"!! je me reconnais tellement!!!